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Ramadan, rituels et spiritualité

Un de mes élèves m’a demandé aujourd’hui, en réaction à mon scepticisme devant certains élèves qui disaient faire ramadan, si c’était parce que je n’aimais pas les musulmans. Je lui ai répondu que non. Mais l’explication que j’ai offerte pour mon scepticisme ne m’a pas satisfait alors je voudrais prendre le temps de mettre ma réponse au clair.

Je ne cacherai pas que je suis agnostique et que cela teinte fortement ma réaction. Cela dit, ça n’explique que partiellement que j’ai proposé à manger plusieurs fois, avec insistance, à certains de mes élèves (qui sont en plein bac).

J’ai un profond respect pour les rituels, parce qu’ils sont, je pense, essentiels pour bien vivre tant au plan personnel qu’au plan social. Au plan personnel parce qu’ils permettent de donner une organisation temporelle à notre vie, mais aussi parce qu’ils ouvrent une dimension spirituelle qui peut être importante pour certains. Au plan social, les rituels créent du capital social et assurent la coopération entre des individus qui se sentent à la fois appartenir au même groupe et qui peuvent se faire confiance les uns les autres. Cela ne me pose donc absolument aucun problème que certains fassent ramadan, bien au contraire ! Il faut cependant noter que, la motivation sociale des rituels, c’est d’être vu par les autres. Il faut que les autres nous voient, car c’est cela qui permet d’assurer la cohésion du groupe. Si on pratique un rituel seul dans son coin, personne ne nous verra et on voit difficilement comment cela peut mener à une plus grande coopération entre eux et nous.

La religion est une affaire autant sociale que personnelle, elle mêle à la fois le rapport de l’individu au divin, disons la dimension spirituelle de la religion, et le rapport de l’individu à la fois au groupe et aux autres individus du groupe, la dimension sociale de la religion. Historiquement, ces deux aspects se mêlent allègrement, mais du moins en occident depuis les Lumières, l’aspect social de la religion tend à disparaître, à mon avis pour le mieux (bon, c’est vrai pas toujours, mais tout de même), et laisse place uniquement à l’aspect spirituel.

La plupart de nos rituels qui impliquent le groupe aujourd’hui, du moins en occident, sont de nature sociale ou politique : le baccalauréat, la graduation, le service militaire (quand il existait), les anniversaires, le Nouvel An, le passage à la majorité, etc. Tous ces rituels n’ont pas de dimension spirituelle, parce que le spirituel est l’affaire de l’individu et non du groupe. C’est pour cela que nos rituels spirituels (lorsqu’on en a) sont des affaires individuelles.

Ma première difficulté avec le ramadan se trouve là. La justification à ce rituel est bien souvent de nature spirituelle, mais il y a une dimension de groupe. Or je trouve qu’il y a quelque chose d’hypocrite, aujourd’hui, à affirmer vouloir développer une connexion personnelle à Dieu, tout en ayant besoin de montrer aux autres que l’on développe cette connexion. Je comprends très bien, d’un point de vue historique, la nécessité de mélanger spirituel et social, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Si c’est vraiment spirituel, il y a quelque chose d’hypocrite à le crier sur tous les toits. Cela ne veut pas dire que je nie la fonction sociale du ramadan. Pas du tout. Je la comprends très bien, il y a quelque chose d’agréable à partager ce genre de rituel, c’est intense et c’est festif.

La deuxième chose qui me dérange c’est que c’est la confusion du spirituel et du social qui donne au ramadan ce caractère de nécessité qui est dommageable dans certains contextes. Si mes élèves insistent pour faire Ramadan alors qu’ils sont en plein bac et qu’ils ont besoin de manger normalement et de dormir normalement, c’est justement parce qu’il y a à la fois du spirituel et du social. Si ce n’était que pour le groupe qu’il faisait ramadan, il ferait probablement une exception pour le bac. Si ce n’était que pour eux et pour se rapprocher de Dieu, il ferait aussi probablement une exception. Mais c’est à la fois pour Dieu et pour le groupe, alors ils ne font pas vraiment d’exception, alors même que certaines fatwas l’ont autorisé.

Dans le fond, j’ai du mal avec la nécessité qu’imposent les rituels. La vie c’est aléatoire, et on devrait pouvoir adapter ces rituels sociaux. Si j’habite à Tahiti, je ne vais pas faire neiger dans mon jardin au moment de Noël. Si un rituel est spirituel, alors Dieu ou quoi que ce soit en quoi je crois, comprendra que dans certains cas, je ne peux pas faire exactement comme je devrais (et si ce n’est pas le cas peut-être que je ne devrais pas trop croire à ce truc). Il y a toujours des circonstances hors de notre contrôle qui font qu’on ne peut pas pratiquer les rituels comme on le devrait, mais ça ne devrait pas être trop grave.

Dans le cas du ramadan, il y a cette hypocrisie qui me dérange et ensuite cette nécessité imposée qui n’a pas lieu d’être. Si quelqu’un ne considère pas que faire ramadan est nécessaire et qu’il le fait juste pour lui, je n’ai aucune raison de dire quoi que ce soit. Si le jeune de longue durée me paraît une mauvaise idée, je vais probablement le mentionner, mais c’est ici l’aspect purement médical qui m’intéressera plus que le rituel lui-même. Et puis, je ne cacherai pas que, comme j’aime bien embêter les gens, je vais probablement dire aussi quelque chose juste pour le plaisir de dire des bêtises, mais ça, c’est une autre histoire.

2 replies on “Ramadan, rituels et spiritualité”

Votre blog était fort intéressant, même pertinant, mêlant question de religion, de société et de rite. Un vrai délice à lire et même à relire. Nous attendos avec impatience votre prochaine publication. Espérons qu’elle sera aussi succulente que celle-là.

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